Avec Marie, éduquer les caractères pour la liberté (portrait)

Propos recueillis par Marie, que je remercie !

Bonjour Marie, peux tu te présenter en quelques mots à nos lectrices ?

Marie Guillaumin, j’ai 34 ans. Ce qui me fait me lever tous les matins, c’est la volonté de prendre soin des plus faibles. Un virus que j’ai dû attraper lors de mes longues années de scoutisme. Je me suis aussi longtemps occupée d’enfants polyhandicapés. Aujourd’hui, je partage ma vie entre une activité professionnelle où j’accompagne les enfants et les adultes en difficulté, et un gros engagement dans la Compagnie de la Sainte-Croix.

La Compagnie de la Sainte-Croix ? De quoi s’agit-il ?

Une sorte de confrérie ou d’ordre de chevalerie, où les membres approfondissent leur vie spirituelle à la lumière des enseignements du Père Jacques Sevin. Nous avons une règle de vie, des récollections, une formation spirituelle. Mais la Compagnie de la Sainte-Croix veut aussi être missionnaire pour la jeunesse. Les méthodes du scoutisme sont utilisées très largement. Par exemple j’ai au sein de la Compagnie la responsabilité de camps apostoliques pour les enfants de moins de 12 ans. Depuis l’année dernière, nous proposons aussi des camps en pleine nature pour enfants handicapés. Mais nous avons beaucoup d’autres activités. L’œuvre essentielle qui nous occupe actuellement, c’est le Foyer Notre-Dame des Pauvres.

Tu veux parler d’Ecole-Hameau, en Dordogne ? Peux-tu nous en dire plus ?

Oui. Sous le nom d’Ecole-Hameau, la Compagnie de la Sainte-Croix a initié un concept complet. L’idée est partie d’une école à pédagogie scoute… Et petit à petit, si nous voulions vraiment entreprendre l’éducation intégrale que nous envisagions, nous nous sommes aperçus qu’il fallait recréer tout un cadre de vie. En bref, avec Ecole-Hameau, nous faisons revivre un village, ou plutôt une paroisse, nous recréons des relations de proximité autour d’un projet éducatif. Fondamentalement, nous voulons créer de la liberté. De la liberté intérieure, en formant « des volontés libres », c’est tout l’enjeu de l’éducation. Mais aussi de la liberté extérieure, en reprenant la main sur nos vies. Cela passe par toute une approche sociale, économique, écologique, culturelle… Nous voulons nous donner les moyens d’être pleinement ce que nous sommes, et de pouvoir vivre en chrétiens au quotidien. Pour reprendre les mots du Père Sevin, il s’agit de « remettre les chrétiens en chrétienté ».

Concrètement, nous avons hérité il y a deux ans du Foyer Notre-Dame des Pauvres, en Dordogne. Un ancien orphelinat, tenu par des religieuses, qui ne demandait qu’à revivre. Nous sommes en train de rénover ce grand bâtiment (vous êtes d’ailleurs les bienvenus à nos chantiers participatifs !) pour y accueillir une école et des logements pour personnes âgées. Nous avons déjà une douzaine de familles qui ont déménagé à proximité, sept entreprises créées, des activités culturelles comme un centre hébertiste, un projet de ferme pédagogique, et bien d’autres choses. C’est une petite société chrétienne qui s’organise et qui rayonne sur tout le territoire. Beaucoup de gens sont attirés par notre vision éducative et sociale, et découvrent par là les beautés de la vie chrétienne. C’est vraiment une grande satisfaction de se consacrer à cette œuvre, nous devrions chanter chaque jour un Magnificat pour les grâces reçues !

 Tu parles de liberté par l’éducation. Quel est aujourd’hui l’enjeu d’une éducation catholique complète ?

Vaste sujet ! Il me semble qu’éduquer, c’est amener chacun à développer pleinement ses talents, à aller à la fine pointe de lui-même. Le fameux « deviens ce que tu es ». Nous avons tous un potentiel, mais si nous n’apprenons pas à maîtriser nos passions, à réguler nos échanges avec le monde, si nous n’éduquons pas notre caractère, nous ne pouvons pas être libres. Alors nous allons de caprices en caprices et nous passons à côté de la vraie liberté. Je pense que c’est le grand enjeu de l’éducation. Seulement pour en arriver là, il faut tenir compte du petit d’homme tout entier. Pour reprendre l’expression de François-Xavier Clément, qui a écrit un excellent ouvrage sur l’éducation intégrale, un élève ce n’est pas un cerveau avec un cartable. C’est un homme entier, avec son corps, sa sensibilité, ses émotions, son imagination, sa mémoire… Et tout cela, il faut que nous le mettions au service d’un bien plus grand : l’amitié, la vie sociale… jusqu’à l’amitié par excellence : l’amitié avec Dieu.

C’est le but de la Maternelle des bois que tu ouvriras en septembre 2022 ?

Parfaitement. Au Foyer Notre-Dame des Pauvres, j’ai la responsabilité du développement de cette maternelle. Concrètement, les cours se déroulent exclusivement dans la forêt, quelle que soit la saison ou la météo. Nous avons simplement une tente pour nous abriter en cas de grosse averse, mais finalement, les enfants sont bien moins dérangés que nous par le froid et la pluie. Au contraire, c’est l’occasion de jouer dans les flaques, de sentir de bonnes odeurs, de découvrir toute la vie animale lorsque les rayons de soleil reviennent… Je n’évoquerai pas ici toutes les études qui montrent que les enfants qui grandissent en plein air ont un meilleur développement cognitif et immunitaire. C’est d’ailleurs un concept assez récent d’enfermer les enfants entre quatre murs pour faire leur instruction. Profondément, il s’agit d’ouvrir les perceptions sensorielles des enfants, c’est-à-dire de leur apprendre à voir, entendre, toucher, goûter, sentir en conscience. C’est en fait la première étape avant de mémoriser, d’imaginer et d’analyser. Le fondement de l’intelligence, c’est l’observation, et c’est par là que l’on parvient à l’abstraction ou à la pensée spéculative que l’on développe plus tard. Les enfants montrent beaucoup plus d’enthousiasme et de joie dans ce contexte. Ils conservent le désir profond d’apprendre qui est commun à tous les êtres vivants. Et nous retrouvons un rythme beaucoup plus naturel, notamment en suivant les saisons.

Professionnellement, tu fais de la remédiation scolaire. Quelle est ta spécificité, quelles sont tes méthodes ?

En effet. Parallèlement à ces engagements, j’ai créé « Epheta ». Il s’agit d’offrir un accompagnement psychologique et éducatif. J’ai été formée à la pédagogie de l’attention à l’ILFM. Je m’appuie beaucoup sur la méthode Nuyts et sur les découvertes pédagogiques d’Antoine de la Garanderie. J’y associe des apports très divers, du fait de mon expérience. Il s’agit d’ouvrir les perceptions, c’est-à-dire de les rendre conscientes. Cette première porte franchie, c’est toute une série de dominos qui tombent les uns après les autres : ce qu’on appelle la voie intérieure et donc l’évocation, les capacités de réflexion, la gestion des émotions, la mémorisation… et in fine, la capacité à interagir avec le monde. Pour vous donner quelques exemples, j’utilise différents outils pour m’adapter à chacun : relecture, jeux sensoriels, tempéraments, fleur des émotions, langages de l’amour, profils d’apprentissage et de mémorisation… Je me suis d’abord consacré aux petits enfants, à l’âge primaire. Ces méthodes sont excellentes pour compléter les apports de l’école et de la famille. Pour faire face à la demande, je suis maintenant des adolescents et des adultes. Certains ont vraiment l’impression de revivre en quelques semaines. Les déséquilibres de la société actuelle rendent nécessaires ce genre d’approches.

Une citation pour finir ?

Les deux derniers vers d’un chant du Père Sevin… « La voix des petits » :
« Heureux qui sait user ses jours
Au service des garçons »…

Epheta : me contacter au 06 41 33 06 06 ou epheta@consultantepsychoeducative.com
Ecole-Hameau et le Foyer : www.FoyerNDdesPauvres.org
Compagnie de la Sainte-Croix : www.CompagnieDeLaSainteCroix.org

Merci Marie d’avoir bien voulu répondre à nos questions !

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Crédit photos : Marie Guillaumin.

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