
Équilibre et santé, à l’attention des enseignants catholiques – Extrait du Compagnon du professeur catholique, 1924. Article paru en premier dans le magazine Brin de Pep’s, reproduit ici avec leur aimable autorisation.
Un désir de sainteté avec une santé robuste fait plus pour le salut des âmes que la sainteté avec une once de santé — St. Ignace
Carlyle remarque que la santé et la sainteté sont étymologiquement cousines germaines. Et le Dr James J. Walsh a souligné que la santé et la sainteté « ont de nombreuses relations surprenantes, et certaines d’entre elles contredisent les notions actuelles ; mais il ne faut pas oublier qu’il s’agit bien de fonctions coordonnées ». Car tandis que nous parlons de l’influence de l’esprit sur le corps, et du corps sur l’esprit, nous ne devons pas oublier que ces deux éléments constituent un seul être ; et il n’y a littéralement aucune idée qui ne se fasse sentir dans le corps, et aucune émotion qui ne se fasse sentir dans l’esprit. L’intégralité du corps et de l’âme, c’est-à-dire la santé et la sainteté, travaillent ensemble pour le bien dans ce mystérieux composé que nous connaissons sous le nom d’homme.
Les revendications du corps et de l’âme
Le corps et l’âme sont des dons de Dieu corollaires, qui apportent avec eux des responsabilités, et ce n’est pas un signe de grandeur d’âme que d’être paresseux et négligent à l’égard du corps. L’ascèse est tout à fait différente. C’est une chose de discipliner son corps ; c’est une tout autre chose de négliger ses dents, ou de se laver le corps, ou de veiller à ce que sa nourriture soit préparée de manière digeste, ou de la mastiquer correctement, ou de prendre un temps raisonnable d’exercice en plein air. Des habitudes de ce genre peuvent tout aussi bien être dues à la paresse qu’à une âme généreuse. La distinction n’est pas toujours faite. La sagesse des anciens prônant une âme saine dans un corps sain a été encore confirmée avec insistance par les grands saints chrétiens, notamment les fondateurs des ordres religieux, Sts. Benoît et Ignace, St Bernard, St François et Ste Thérèse.
La Règle de saint Benoît contient de sages dispositions pour le bien-être physique et spirituel de ses fidèles. Si les moines devaient travailler, ils devaient manger convenablement en conséquence. Penses-y! « Une livre de pain par jour et deux plats cuisinés à chaque repas! » »Les habitudes doivent s’adapter à la personne qui les porte, être suffisamment ajustées et pas trop anciennes. » Encore une fois, chacun des frères doit prendre « de six à huit heures de sommeil ininterrompu par jour, avec en plus une sieste en été » ; chacun doit également avoir « deux couvertures, un matelas et un oreiller! » Saint François d’Assise enjoint strictement aux Supérieurs de son Ordre de « prendre un soin particulier à pourvoir aux besoins des malades et à l’habillement des frères, selon les lieux, les saisons et les climats froids« .
Santé et longue vie
Ce sont là quelques illustrations évidentes de la sagesse avec laquelle les saints ont pris soin du corps – du corps des autres en particulier : ils ne semblaient pas toujours autant se soucier du leur. Nos sœurs doivent prendre à cœur leurs enseignements car, en règle générale, elles négligent indûment le soin de leur santé corporelle. Le révérend Arthur Barry O’Neill, CSC, a fait une étude approfondie sur ce sujet et nous le suivrons comme un guide fiable en la matière. Nous sommes d’accord avec lui qu’un examen des statistiques de mortalité de nos communautés religieuses de femmes montrera probablement que la longévité des sœurs n’est en aucun cas aussi remarquable qu’on devrait s’y attendre. Cela peut sembler quelque peu étrange, mais c’est tout à fait vérifiable en fait : 30% à 40% des sœurs américaines meurent avant que « leur temps ne vienne », leur mort étant bien sûr, subjectivement, entièrement conforme à la volonté de Dieu ; mais étant, objectivement, simplement en accord avec la permission de Dieu, ce qui est une tout autre affaire.
En effet, une longue vie est une bénédiction. Comme le dit Spirago, « C’est une grande aubaine, car plus on vit longtemps, plus on peut accumuler de mérites pour l’éternité. » C’est un bienfait si précieux que Dieu l’a promis comme une récompense pour avoir gardé le quatrième commandement, comme saint Paul le rappelle aux Éphésiens : « Honore ton père et ta mère. . . que tout se passe bien pour toi et que tu vives longtemps sur la terre. En conséquence, tout schéma de vie, qui contribue même indirectement à abréger ses jours, a assurément besoin de raisons singulièrement fortes pour le justifier ; et, n’en déplaise à certains, un tel procédé, plus négatif que positif, n’est pas rare dans nos couvents.
Négliger de faire de l’exercice quotidien à l’extérieur peut sembler une broutille dans la jeunesse, mais c’est certain qu’une telle négligence est gravement préjudiciable à la santé ; et, sauf cas exceptionnel, une mauvaise santé conduit à une vie tronquée. Derrière ce mépris de l’exercice en plein air que tous les médecins déclarent indispensable au bien-être du corps, il y a probablement dans l’esprit de beaucoup de Sœurs une conviction assez forte, qu’une santé vigoureuse et robuste est plus ou moins incompatible avec une spiritualité authentique, qu’une maladie occasionnelle de nature grave et une indisposition quasi-chronique dans le meilleur des cas sont, après tout, tout à fait normales chez les prétendus chercheurs de perfection religieuse, disciples des saints. C’est une erreur pernicieuse dont directeurs spirituels et confesseurs devraient s’efforcer de les débarrasser avec acharnement.
La mauvaise santé directement voulue par Dieu est sans aucun doute une bénédiction ; mais c’est aussi une exception. Dans le cours ordinaire de la Providence de Dieu, les hommes et les femmes, dans le cloître comme dans le monde, ont le devoir de prendre soin de leur corps de telle sorte que leur esprit et leur âme en soient vivifiés, et qu’ils servent de mieux en mieux le Père céleste. La santé doit être recherchée, non comme une fin, mais comme un moyen de excellent, bien souvent même indispensable, pour atteindre la véritable fin des religieux et des laïcs, qui est la sainteté.
Théorie et pratique chez les saints
Les saints eux-mêmes ont bien compris cette vérité, et leur prédication la souligne fréquemment, même si la pratique de certains d’entre eux, en matière d’austérités et de pénitences, ne s’y conforme apparemment pas. Apparemment, car dans bien des cas c’était précisément la santé florissante du saint qui rendait possibles les austérités et les pénitences. Il faut se rappeler, aussi, que certains fustigateurs impitoyables de leurs corps–St. Ignace et saint François d’Assise, par exemple, ont franchement avoué dans leurs dernières années qu’ils avaient exagéré le châtiment de la chair.
Saint Ignace a bien pris soin de compenser l’influence de son exemple de Manresa en cette matière en prenant les dispositions nécessaires, pour que, dans sa règle et les conseils à ses religieux, un bon équilibre corporel soit favorisé.
Maintes et maintes fois, il a donné, dans des phrases variées et de manière insistante, le conseil énoncé dans ce précepte général : « Que toutes ces choses soient mises de côté et soigneusement évitées qui peuvent nuire, de quelque manière que ce soit, à la force du corps et à sa puissance. » Puisque la sainteté n’est, après tout, que du bon sens sublimé, il n’est pas surprenant de trouver d’autres saints fondateurs, réformateurs et directeurs spirituels d’Ordres religieux donnant le même judicieux conseil. « Si la santé est ruinée, comment observer la Règle ? » demande pertinemment sainte Thérèse. Écrivant à certaines de ses religieuses qui étaient enclines à suivre leurs propres idées en matière de prière et de pénitence, la même grande carmélite conseille : « N’oubliez jamais que la mortification ne doit servir qu’à l’avancement spirituel. Bien dormir, bien manger. Il est infiniment plus agréable à Dieu de voir un couvent de Sœurs paisibles et en pleine santé qui font ce qu’on leur dit qu’une foule de jeunes filles hystériques qui se croient privilégiées. . .”
« Gouvernez le corps par le jeûne et l’abstinence dans la mesure où la santé le permet », dit la règle dominicaine. « J’ai vu », écrit Sainte Catherine de Sienne, « de nombreux dévots pénitents qui manquaient de patience et d’obéissance parce qu’ils cherchaient à tuer leur corps et non leur propre volonté. »
A chaque Ordre Religieux et à ses membres, on peut très bien appliquer les paroles d’un Général Jésuite, le Père Piccolomini, à ses propres sujets : un os mal soudé ou disloqué fait mal au corps entier. Car, de même qu’un membre du corps, lorsqu’il est ainsi affecté, non seulement ne peut remplir ses propres fonctions propres, mais interfère même avec la pleine efficacité des autres parties, de même lorsqu’un Religieux n’a pas la santé requise, il perd de son efficacité et est une charge pour les autres.
La santé – un grand bien
Si d’autres témoignages étaient nécessaires pour démontrer l’erreur selon laquelle la santé est quelque chose qui doit être méprisée, plutôt que cultivée, par une religieuse fervente, ils pourraient être fournis en surabondance. « La santé », dit le cardinal Newman, « est un bien en soi, même si rien n’en est ressorti, et vaut particulièrement la peine d’être recherchée et chérie« . En 1897, le pape Pie X, alors cardinal Sarto, rend compte à Rome de son séminaire de Venise : « C’est mon désir, en un mot, de voir les progrès de mes jeunes gens tant dans la piété que dans le savoir, dont dépend en très grande mesure l’exercice de leur ministère plus tard, mais je n’attache pas moins d’importance à leur santé. »
Un éminent directeur des âmes de notre époque, feu l’archevêque Porter, a gratifié l’un de ses enfants spirituels, une religieuse, du sage conseil suivant : « Quant aux mauvaises pensées, j’ai si uniformément remarqué chez vous qu’elles dépendent de votre état de santé, que je dis sans hésitation : commencez une cure de Vichy et de Carlsbad. . . Mieux vaut ne pas jeûner avec tant de rigueur que d’être en guerre avec tout le monde autour de nous. Je crains beaucoup, vous ne prenez pas assez de nourriture et de repos. Vous avez besoin des deux, et il n’est pas sage de vous affamer ainsi. La jalousie et toutes les passions similaires s’intensifient lorsque le corps est faible. . . Le récit de votre état spirituel n’est guère brillant ; là encore, vous ne devez pas perdre courage. Une grande partie de vos souffrances actuelles vient, je le crains, de l’insouciance passée en matière de santé. »
Ce n’est que répéter en d’autres termes ce que saint François de Sales, trois siècles avant Mgr Porter, écrivait à une religieuse de son temps : « Conservez votre force physique pour servir Dieu dans les exercices spirituels, auxquels nous sommes souvent obligés de renoncer quand nous sommes indiscrètement surmenés. » Ce qui vient d’être dit devrait détourner certains esprits de l’idée que le mépris du bien-être corporel est une condition, sinon une condition essentielle, de la sainteté ; ou de l’autre préjugé non moins dangereux selon lequel un soin raisonnable et proportionné du corps, s’il est effectué avec un esprit et une intention droits, n’inclut pas en soi une discipline complète de l’âme.
Francis Thompson a bien dit dans la préface de Santé et Sainteté : « Les lois de l’hygiène parfaite, la culture du « corps sain », non pas pour lui-même, mais comme l’instrument souple et durable de l’âme, sont de plus en plus nécessaires pour constituer une véritable ascèse, une mortification, non moins sévère que celle prescrite par les maîtres les plus rigoureux de la vie spirituelle.
Surnaturalisée comme elle le sera sûrement par la pureté d’intention si caractéristique des Sœurs, une telle mortification ne sera pas moins un bien spirituel qu’un bienfait physique. Ce que dit Mgr Hedley dans sa Retraite spirituelle pour les religieux est tout à fait pertinent : « Il y a certaines choses qui sont les meilleurs promoteurs de la santé et de la gaieté, à savoir l’air frais, l’exercice et les loisirs. » Ce sont aussi des devoirs dans une communauté religieuse. Dans de telles maisons, il est très courant de rencontrer des affections nerveuses qui proviennent entièrement de la négligence de ces trois puissants toniques du système humain. Je ne dis pas que c’est le cas de tous. Mais force est de constater que les membres d’une Communauté qui ont les tâches les plus actives sont généralement les plus sains d’esprit et de corps. Ces deux choses, l’air frais et l’exercice, sont de la plus haute importance, même d’un point de vue spirituel. Ce ne sont pas des choses purement matérielles, car elles contribuent à l’avancement surnaturel. Il en est de même pour les loisirs. Les trois devraient être combinés.
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